Interview de Jean Pierre Petit
Résumé
Transcription écrite
Damien Hélène: Bonjour Jean-Pierre Petit, bonjour. Je voudrais commencer par prendre deux minutes pour vous présenter auprès de nos distributeurs et de nos clients, même si je sais qu'ils vous connaissent d'ores et déjà. Vous êtes le président des Cahiers verts de l'économie où vous proposez une analyse et une présentation des grandes tendances macro économiques, cycliques et structurelles au niveau mondial. Vous comptez à l'heure actuelle plus de 400 clients. Vous êtes également membre du comité d'investissement du Fonds de dotation du Louvre pour retracer très rapidement votre parcours. Si l'on peut y passer des heures. Vous avez été seigneur économiste à la Banque de France et consultant au FMI. Vous êtes l'auteur de dizaines d'ouvrages et intervenez comme chroniqueur dans de nombreux médias BFM Business, Le Monde, Le Figaro et bien d'autres. Merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation aujourd'hui. Pour commencer, quelle part représente le private equity dans le monde et quand a t il connu une forte croissance?
Jean-Pierre Petit: Le private equity s'est développé depuis une soixantaine d'années aux États-Unis, une petite quarantaine d'années en Europe et une quinzaine d'années en Asie. Aujourd'hui, depuis plus exactement depuis 20 ans, il s'est développé assez fortement. On peut considérer qu'aujourd'hui, il représente environ quatre et demi pour 100 de la capitalisation boursière des actions cotées dans le monde, contre 2 % il y a 20 ans. Donc, il y a eu un doublement en quelque sorte, de la part du private equity par rapport aux actions cotées traditionnelles.
Damien Hélène: D'ailleurs, quel est l'intérêt d'investir en private equity par rapport au marché actions cotées traditionnelles?
Jean-Pierre Petit: Le private equity présente plusieurs opportunités. D'abord celle d'investir dans des entreprises à différents stades de développement depuis le démarrage, la création, puis le développement. Et même, on peut même aller chez des sociétés plus matures. Mais alors que dans les actions cotées, c'est beaucoup plus difficile, en général, ce ne sont que des, des, des actions, des sociétés matures. Par ailleurs, investir dans le private equity présente une opportunité en termes d'interventionnisme des fonds de private equity, dans la stratégie, dans la définition des priorités et même dans le management des sociétés, ce qui est rarement le cas des des fonds d'actions cotées dans les entreprises cotées traditionnelles. Par ailleurs, les points d'entrée du private equity se sont beaucoup développés au cours des dernières années avec le développement des fonds de fonds qui permettent une diversification du risque à l'intérieur de la classe d'actifs private equity. J'ajoute que le private equity peut permettre de mieux gérer le timing de son investissement. Comme vous le savez encore mieux que moi, les fonds de private equity investissent dans le temps, progressivement, dans le temps, dans les entreprises, alors que dans les actions cotées, quand vous achetez des actions cotées, vous achetez le jour J à l'heure H. Et lorsque vous recevez de l'argent, d'un héritage, de la vente d'une entreprise, vous avez tendance à placer une partie non négligeable de votre actif dans les actions cotées, alors que dans le private equity, vous pouvez le faire de façon lissée dans le temps. Et ça s'adapte bien à ce qu'on appelle le dollar cost. Averaging Les stratégies aux États-Unis, qui consistent à investir progressivement dans les actions en fonction du prix, en fonction des circonstances et de ce point de vue, les stratégies de private equity. La stratégie qui consiste à acheter des fonds de private equity est plutôt pertinente.
Damien Hélène: Alors, parlons-en. Combien rapporte le private equity?
Jean-Pierre Petit: Alors, sur 20 ans, le private equity, en prenant en compte les données qu'on a à notre disposition, notamment aux États-Unis, le private equity ajusté de la volatilité rapporte un peu plus que les actions cotées. Voilà ce qu'on peut dire. Evidemment, il y a un inconvénient, c'est la liquidité, puisque les actions du private equity ne sont pas liquides pour les porteurs. Simplement, est ce que c'est vraiment. On peut se demander si c'est vraiment un inconvénient. Parce que ce qu'on remarque souvent, notamment en Europe, c'est que les ménages, lorsqu'il y a des phases de stress très importantes, ont tendance à liquider les positions. On l'a vu notamment après la crise Lehman Brothers à l'hiver 2008 2009 et en général. Enfin, pas toujours, mais souvent ils achètent au plus haut, donc ça permet justement de L'illiquidité permet de réduire la composante émotionnelle de l'investissement en actions d'une manière générale. Et de ce point de vue, ça peut être un avantage car si vous possédiez des fonds de private equity à la fin 2008, au début 2009, c'était pas mal dans la mesure où les fonds de private equity ont racheté des actifs décotés par exemple. Voilà ce que vous n'auriez pas fait en tant qu'investisseur particulier.
Damien Hélène: Alors, outre la liquidité, est ce qu'il y a des des risques à investir dans le capital investissement?
Jean-Pierre Petit: Alors, le risque principal, c'est le risque gérant comme on dit, c'est à dire le risque d'investir dans de mauvais fonds de private equity. Voilà. Parce que. Vous investissez dans un mauvais fond, vous êtes collé 7 à 10 ans. Donc ce n'est pas un problème de se planter pendant trois ou six mois. C'est le problème de se planter pendant de nombreuses années car il y a une dispersion des performances tout à fait exceptionnelle qui est largement supérieure à celle des fonds d'actions cotées et même largement supérieure aux fonds de gestion alternative, ce qu'on appelle les hedge funds. Si vous voulez, si vous prenez le premier quartile sont les plus performants, ils surperforme la moyenne. Pas tout à fait, mais presque la moitié de la moyenne de performance de l'ensemble des fonds de private equity. Donc c'est énorme, c'est énorme. Donc ça, c'est le premier risque. L'autre risque, c'est le risque de millésime. Si vous rentrez un mauvais moment et vous sortez un mauvais moment, alors c'est pour ça qu'il faut lisser les millésimes dans le temps, c'est à dire ne pas investir tous vos fonds Private Equity une année, mais le faire l'année n l'année n plus un, n plus deux, etc. Voilà, voilà les risques, Le risque sur la la liquidité. Je vous ai dit ce que j'en pensais qu'elle serait.
Damien Hélène: Votre recommandation avant d'investir en private equity?
Jean-Pierre Petit: Déjà de choisir le bon gérant, de regarder, de discuter, évidemment, de prendre les meilleurs conseils. Il y a quand même beaucoup de structures, de conseils, de relative bonne qualité en France, en particulier en Europe continentale d'une manière générale, et de bien regarder parce que l'avantage aussi, et là, c'est important, ça dépasse la dimension financière. L'avantage du private equity, c'est d'investir aussi dans l'économie réelle, c'est à dire favoriser l'innovation, ce que ne font pas les actions cotées très très marginalement, ce que ne font pas les banques, ou alors relativement marginalement. Donc vous investissez dans l'économie réelle, l'économie qui se développe, les nouvelles technologies dans tous les domaines, l'énergie, l'environnement, la santé. Et donc c'est de vous investissez aussi dans des structures locales plus proches de vous. Vous n'allez pas investir en Asie ou si vous investissez dans un fonds de private equity européen, ils vont investir en Europe un fonds de private equity français. Ils vont plutôt investir en France. Donc vous favorisez l'économie réelle.
Damien Hélène: Et la croissance, la création.
Jean-Pierre Petit: D'emplois, la création d'emplois bien évidemment, et la modernisation d'une manière générale du pays. Tout à fait.
Damien Hélène: Alors, dernière question selon vous, quel pourcentage de son patrimoine faut il allouer au private equity?
Jean-Pierre Petit: Alors, tout dépend de votre propre espérance de rentabilité. Il est bien évident qu'il faut avoir ça en tête quand même. Ça, c'est la loi des intérêts composés. Albert Einstein en parlait il y a très très longtemps C'est des mathématiques financières. Si vous avez une rentabilité de 10 % par an, vous doublez votre capital en sept ans, 10 % pour les bons fonds de Private Equity, vous pouvez espérer vous doubler votre capital en sept ans si vous placez sur un contrat en euros, en admettant d'ailleurs ce qui n'est pas évident. Mais enfin, en admettant que ça vous rapporte 2 % l'an, et bien vous allez le doubler en 35 ans. C'est à dire qu'un fonds de private equity qui rapporte 10 %, ce qui est envisageable, vous allez doubler le capital cinq fois plus vite qu'en investissant sur un contrat en euros, donc ça vaut quand même le coup. Voilà, dans le cadre de votre propre patrimoine, mais aussi dans le cadre d'une succession éventuelle future, ça vaut le coup quand même de mettre une part dans les actifs de fonds de private equity. Alors combien? Tout dépend d'abord de votre espérance de rentabilité, mais tout dépend aussi de vos contraintes de passif. Parce qu'il y a quand même le problème de la liquidité. Et là, vos contraintes de passif, elle dépend de toute une série de choses. Votre dette d'abord, évidemment, c'est l'élément du passif auquel on pense tout de suite. Mais il y a aussi votre situation professionnelle, votre situation familiale, votre propre projection sur le futur. Donc il faut faire attention à ces choses là, bien évidemment, car vous allez être collé quand même pendant 7 à 10 ans. Et je dirais que globalement, pour des portefeuilles moyens, mettre 5 à 10 % du Private Equity dans un portefeuille, c'est assez logique. Et surtout pour ceux qui n'ont pas de Private Equity en mettre, ça me paraît dans une optique de moyen long terme, une décision sage et pertinente.
Damien Hélène: Merci beaucoup Jean-Pierre. Je le rappelle, vous êtes le président des Cahiers de l'économie. Ancien économiste à la Banque de France et consultant au FMI. Merci beaucoup.