Kristoffer Melinder, associé gérant de Nordic Capital, revient dans une interview pour Private Equity News sur les collectes de fonds records de la société de gestion et ses perspectives pour 2023.
Nordic Capital a enchaîné les records
Alors que la collecte de fonds et les transactions commençaient à s’effondrer l’année dernière, Nordic Capital, l’une des plus grandes sociétés de capital-investissement de Scandinavie, a défié les pronostics en levant son plus grand fonds en seulement neuf mois, faisant appel à des investisseurs pour 9 milliards d’euros. Altaroc a d’ailleurs intégré le Nordic Capital Fund XI dans son portefeuille du Millésime 2021.
Quelques semaines plus tard, en octobre 2022, la société basée à Stockholm, a célébré la plus importante cession de son histoire, en réalisant un rendement de 19 fois son capital investi grâce à la vente, pour 2,25 Mds£, de la société The Binding Site, basée au Royaume-Uni.
L’homme à la tête de la société depuis 13 ans, l’associé gérant Kristoffer Melinder, déclare que la levée de Nordic Capital Fund XI à un plafond de 9 milliards d’euros – dépassant son objectif initial de 8 milliards d’euros – a été « le point fort incontestable de l’année dernière en dépit de la détérioration massive des marchés au cours de la levée de fonds ».
K.Melinder a rejoint Nordic en 1998, après avoir passé deux ans à Londres dans le service Investissements de JP Morgan.
En tant qu’associé gérant unique de Nordic depuis 2016 – et auparavant en tant que co-dirigeant aux côtés de Joakim Karlsson pendant six ans – il a supervisé la croissance de la société, qui compte désormais plus de 200 employés et gère 30 milliards d’euros d’actifs.
Les investisseurs de la société sont principalement des pensions de retraite, des family offices, des banques, des gestionnaires de patrimoine privé, des compagnies d’assurance et des fonds souverains.
Se concentrant sur les soins de santé, les services financiers, la Tech et les paiements, les industries orientées vers la technologie et les services aux entreprises, Nordic a investi près de 22 milliards d’euros dans 130 transactions depuis sa création en 1989.
« Nous recherchons généralement des modèles d’entreprise à revenus récurrents et nous évitons les risques liés aux projets », explique K. Melinder.
L’ESG, au cœur de la stratégie de Nordic Capital
Comme la plupart des sociétés financières scandinaves, l’investissement dans des normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) élevées figure parmi les priorités de Nordic. Nordic Capital se classe ainsi dans le premier décile des sociétés d’investissement mondiales pour l’intégration des facteurs ESG dans la prise de décision et la gestion des investissements.
« L’ESG est désormais totalement intégré dans la manière dont nous réalisons des investissements et dont nous gérons les entreprises de notre portefeuille », déclare-t-il. « Nous avons des feuilles de route en matière de développement durable pour toutes les entreprises de notre portefeuille, ainsi que pour l’entreprise dans son ensemble ».
En ce qui concerne la gouvernance, Nordic Capital achète presque toujours une participation majoritaire dans les entreprises de son portefeuille, bien qu’elle prenne occasionnellement une participation minoritaire « lorsque nous avons un contrôle conjoint ou un certain contrôle sur l’investissement ».
« Nous ne faisons pas d’investissements passifs, nous avons toujours un siège au conseil d’administration et nous n’investissons pas s’il n’y a pas un plan de création de valeur qui définit ce que nous avons l’intention d’apporter à l’investissement », précise-t-il.
Environ 1/3 des investissements, généralement réalisés sur une période de cinq ans entre l’acquisition et la cession, concernent la région nordique, 1/3 l’Europe continentale septentrionale, 1/3 les États-Unis et environ 10 % le Royaume-Uni.
Les défis passés
K.Melinder se souvient que la partie la plus difficile de sa carrière de 25 ans chez Nordic a eu lieu au moment de la crise financière mondiale de 2008, lorsque l’entreprise avait pour stratégie de se désengager des investissements au sommet des cycles.
« Dans le contexte macroéconomique très difficile de 2008/2009, nous nous sommes retrouvés dans une situation délicate et un certain nombre de nos investissements légèrement cycliques et surendettés ont été difficiles à résoudre », explique-t-il.
« Le secteur de l’énergie solaire offre d’importantes possibilités de croissance, mais bon nombre de ces investissements ont nécessité des dépenses en capital considérables et ont été soumis à des politiques réglementaires et à des subventions, ainsi qu’à une très forte évolution de la base de production, de l’Europe vers la Chine », confie-t-il.
À la suite de la crise financière mondiale, plusieurs gouvernements européens ont réduit les subventions accordées à l’énergie solaire, ce qui a rendu les investissements de Nordic dans ce secteur beaucoup plus difficiles à rentabiliser.
« Si vous nous donnez une entreprise d’énergie renouvelable, nous ne sommes pas les meilleurs pour réaliser cet investissement, mais si vous nous donnez une entreprise de technologie médicale ou de logiciels, nous serons les meilleurs pour comprendre et développer ce type d’entreprise ».
Quelles perspectives pour 2023 ?
Pour Kristoffer Melinder, l’environnement de marché depuis le début de l’année est plus difficile que prévu, malgré l’attente d’une inflation et de taux d’intérêt élevés.
« Il est très difficile d’anticiper complètement l’ampleur d’un ralentissement », déclare-t-il. « Nous regarderons notre portefeuille, qui est très résistant, avec un chiffre d’affaires qui a bien résisté et qui est en fait en train de s’accélérer. Nous constatons que les avantages d’échelle de cette croissance se traduisent par des marges plus élevées et qu’il est logique de ne pas nécessairement vendre des entreprises dans un environnement de marché défavorable ».
« Nous adoptons une approche mesurée pour nous assurer que nous fournissons des liquidités, que nous réalisons des rendements pour nos commanditaires, tout en équilibrant cela avec la valeur intrinsèque inhérente et la création de valeur de nos entreprises ».
Avant de devenir père de sept enfants, K. Melinder était un alpiniste convaincu. Il a même escaladé les 6190 mètres du mont McKinley, la plus haute montagne d’Amérique du Nord, dans le cadre d’une expédition de trois semaines sur le plus haut sommet d’Amérique du Nord.
« J’ai considérablement réduit mon activité d’alpinisme à mesure que ma famille s’agrandissait », déclare-t-il. Si l’alpinisme est souvent cité comme une métaphore de la vie, il semble également inspirer l’approche calculée de K. Melinder en matière d’investissement.